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Saddle fitting: La selle et les étriers, entre Histoire et modernité

Edité le 02/09/2016

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Saddle fitting: La selle et les étriers, entre Histoire et modernité

La selle et la performance

1) La selle, trait d'union cheval-cavalier

Bon, maintenant que j'ai bien posé les bases de la prévention des risques « cheval » liés à la selle, je vais alléger un peu l'humeur de ces billets en revenant vers les aspects technique et pratique qui concernent tout un chacun. Parce qu'après tout, si on n'utilisait pas de selle, on ne risquerait pas de blessure de selle ! Donc monter à cru pourrait être, potentiellement, une réponse simplissime.

Sauf que bien évidemment, si la monte à cru était une solution viable à long terme, tout le monde le ferait. Or, à l'exception notable des Huns qui montaient à cru, c'est notamment par l'usage de la selle que les peuples cavaliers ont étendu leur domination sur de vastes territoires. Et c'est par l'usage des étriers que les combattants à cheval ont progressé dans leurs techniques de combat (et gagné des guerres), en étant beaucoup moins déboulonnables. En gros, la selle et les étriers sont des outils d'avancée technologique et de progrès de l'Humanité, à peu près au même moment que la roue et avant le moteur à explosion (quelque part par là, entre -3000 et 1800 par rapport à JC). Laissons là - je vous prie - les débats sur le progrès dans la décroissance et hors de la violence, on s'en tiendra au paradigme consensuel de l'Histoire comme progrès chronologique pour l'instant, merci =)

 

Aujourd'hui, avec la transformation radicale de l'utilisation du cheval (qui ne fait plus partie des facteurs déterminant de l'Histoire, donc) la selle et les étriers ont beaucoup évolué dans leur design et dans leur utilisation. Et pourtant, la vocation primaire de ces objets reste absolument identique : offrir une possibilité d'appui aux pieds du cavalier bipède ainsi qu'une surface anatomiquement adaptée à son séant, et protéger le dos du cheval de l'embarras causé par l'humain incertainement perché là-haut.

Les étriers sont tenus comme étant l'une des grandes avancées technologiques de l'Humanité (sans rire ! C'est l'hypothèse de plusieurs historiens – anglophones, vdont celle de Dan Derby) ; par la possibilité offerte au cavalier de récupérer un peu de bipédie à cheval, et donc d'équilibre et de stabilité malgré sa position précaire sur le dos d'un animal mouvant et imprévisible, les techniques de combat et de déplacement ont évolué très rapidement. L'idée de l'étrier serait née environ 1000 ans avant notre ère. Au début simple boucle de cuir attachée d'un côté de la selle qui permettait d'enfourcher rapidement, l'idée a évolué dans l'idée qu'on pouvait en utiliser deux, d'abord des boucles de cuir, puis autour du 4e siècle avant JC en Chine, en deux semelles surmontées d'un arceau en métal : ce que l'on connaît aujourd'hui.

L'introduction d'une structure rigide dans la selle, l'arçon, est moins ancienne (datée approximativement du 2e siècle avant notre ère, voir ce lien – anglophones toujours). Le matériel a donc évolué vers une rigidification de la selle, principalement pour dégager durablement le processus épineux (architecture complexe et sensible s'il en est, comme nous l'avons vu dans les articles précédents) mais également pour étendre et affermir la surface d'appui sur le dos du cheval, et lui donner une durabilité. La selle sans arçon, plus « primitive » mais qui bénéficie d'un retour en grâce ces temps-ci, ne dispose pas de squelette rigide. Elle est donc probablement moins « répartissante » et surtout moins durable dans le temps, car ses composantes souples s'affaissent rapidement. Les selles sans arçon qui reposent directement sur le processus épineux sont à bannir de façon nette et sans appel ; celles qui le dégagent correctement sont malgré tout à surveiller.
Mais l'intérêt de l'arçon reste quand même, principalement, son rôle de porte-étrivières. Il permet de transférer les appuis exercés sur une petite surface ( = sous le couteau d'étrivière à proprement parler) à une superficie bien plus vaste. La pression au cm² est donc nettement réduite. Les utilisateurs avertis de selles sans arçon le savent bien, d'ailleurs : le risque principal lié à l'utilisation de pareil matériel vient des couteaux d'étrivières, qui exercent souvent de fortes pressions sur le dos du cheval. C'est pour cela qu'on recommande principalement une utilisation assise de ces selles, mais pas « sportive » (pas de trot enlevé ou de galop en suspension prolongés, pas de saut). Je ne sais pas à quelle période les étriers se sont retrouvés attachés à l'arçon; mais entre la stabilité offerte autant aux pieds qu'à l'assiette, le dégagement clair de la colonne vertébrale du cheval et la répartition étendue du poids du cavalier à une bonne partie des muscles dorsaux du cheval, les choses ont du subitement devenir bien plus simples pour tout le monde.

Les étriers, d'après l'article de Derby cité ci-dessus, amènent au cavalier un certain nombre d'avantages. Voici une traduction rapide du passage qui nous intéresse : « les étriers sont solidement attachés au cheval, et éliminent de fait la nécessité pour le cavalier de s'y agripper avec les jambes. Ils stabilisent le cavalier, lui permettant à loisir de s'asseoir ou de s'enlever de son cheval. De ce fait, il a un bien meilleur contrôle. Cela lui donne également un excellent ancrage, lorsqu'il s'agit de manier la hache ou l'épée, et donc une puissance décuplée. Les étriers permettent également à un cavalier moins expérimenté de rester en selle, tout en profitant de la rapidité et de l'agilité de sa monture. Ils permettent aux articulations de la jambe et du buste d'amortir les mouvements du cheval, et ainsi de gagner en stabilité lors du maniement d'armes de jet. Essayez de lancer quelque chose en étant assis sur un tabouret... »

Aujourd'hui, nous ne lançons plus de lances, nous ne manions plus d'épées depuis le dos de nos chevaux (encore que...) ; nous pouvons à la limite lancer des ballons ou manier des maillets. Mais les mouvements du corps du cavalier restent les mêmes : les articulations des jambes et du tronc agissent en flexion / extension pour permettre un bon amorti des mouvements du cheval à travers le corps du cavalier, quelle que soit la discipline pratiquée – à fortiori quand la vitesse est élevée et qu'il y a des sauts ou des mouvements de terrain à encaisser. Mais j'ai eu l'occasion de le constater autant en dressage qu'en obstacle, en TREC qu'en horse ball, en cross qu'en endurance : le bon équilibre à cheval dépend principalement de la capacité du cavalier à utiliser tout son corps pour faire corps avec son cheval, ou s'en dissocier à loisir. Il n'est pas bon pour le cheval de subir entièrement son cavalier ; de même, il n'est pas bon pour le cavalier de subir tout le temps son cheval. On doit pouvoir choisir, et agir sur son équilibre par notre façon d'encaisser, de suivre et de contrôler son mouvement. Or seule la fermeté des appuis offerts par les étriers, mais aussi de l'appui d'un arçon rigide peut permettre cela de façon rapide et efficace.

Si l'étrier est une avancée technologique fabuleuse, c'est un objet au design relativement simple. En revanche, la selle est - à mon avis - l'objet de design le plus complexe au monde. Voyez plutôt : elle doit tenir compte, dans sa conception, de deux êtres vivants dont la physiologie n'est que vaguement similaire, et l'équilibre et le mouvement radicalement différents. C'est à dire que non seulement sa forme est dictée ergonomiquement par deux surfaces de contact qui n'ont rien à voir, mais qu'en plus sa dynamique répond à deux mouvements sinon opposés, du moins pas franchement complémentaires ! Je n'arrive pas à penser à un autre objet qui soit soumis à de telles contraintes fondamentales. Si l'on arrive assez facilement à définir son rôle, il est néanmoins complexe de concevoir puis de créer un objet qui corresponde à cela. Chacun des paramètres de réglage d'un tel objet, qui est littéralement au centre du système puisque pris en sandwich entre les deux individus concernés, a un impact énorme sur tout le reste. Bon, heureusement, on ne parle que d'un cheval et un cavalier, pas d'une bombe nucléaire. Mais on n'est pas dans la chimie, on est là dans le vivant, un vivant protéiforme et constamment en changement, ce qui n'est pas forcément plus simple.

 

En somme, la selle est une magnifique réalisation ancestrale. Et quelles que soient les avancées technologiques en terme de matériaux, de design, ou de marketing (et vive la féminisation du marché qui offre de nouvelles opportunités commerciales!), le cahier des charges basique de l'objet reste identique : on doit créer un trait d'union parfait entre deux êtres vivants pas faits pour être ensemble. Le reste ? C'est du détail.

Article rédigé par Eugénie Cottereau - www.saddlefitting.fr

Edité le 02/09/2016

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